je pensais que les conditions seraient vraiment meilleures que celles qu’on a trouvé, donc forcément un peu déçu par la neige qu’on a eu. Bon, vues les conditions actuelles ce n’était pas non plus hyper moche. Le seul vrai intérêt de cette course reste tout de même le paysage et la vue sur les montagnes environnantes
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Ma CCC 2010, un voyage (presque) au bout de moi-même
La CCC … trois lettres, trois villes (Courmayeur, Champex, Chamonix), trois pays (Italie, Suisse, France), cinq cols, 2000 participants, un trail ! 98km pour 5600m de dénivelée à faire en moins de 26h autour du massif du Mont Blanc …
La CCC est la petite sœur de l’UTMB (Ultra Trail du Mont Blanc), la fameuse course autour du Mont Blanc. Petite sœur car plus courte, mais avec 98km au compteur, c’est une course à part entière, une vraie course ! A côté il y a aussi la PTL (Petite Trotte à Léon) et la TDS (Tour des Ducs de Savoie). Tous ces trails ont lieu la dernière semaine d’Août à Chamonix. Pour certains c’est LE rendez-vous des trailers ! Mais ce sont surtout 4 courses auxquelles participeront plus de 6000 trailers, venus de presque 50 pays !
La CCC est un demi tour du Mont Blanc. Elle part de Courmayeur, puis monte à 2584m à la Tête de la Tronche via le refuge Bertone. Puis c’est une descente vers Arnuva via le refuge Bonatti. Se profilera alors la montée vers le Grand Col Ferret et ses 2537m d’altitude. Ce col marque l’entrée en Suisse et marque souvent un changement radical de météo. Puis le parcours descend vers la Fouly puis Champex après une petite montée depuis Issert. Après avoir longé le lac de Champex, il faudra alors monter vers Bovine puis Portalo à 1987m. La descente amènera au col de la Forclaz puis à Trient. Le retour en France se fera par les Tseppes puis Catogne à 2063m. Commencera alors une descente vers Vallorcine, pied de la dernière montée. Car il faudra encore monter au col des Montets puis à la Tête aux Vents à 2130m. Là, l’arrivée sera proche avec une descente vers la Flégère puis Chamonix où une petite dernière traversée de la ville, face au Mont Blanc nous amènera à la Place de l’Amitié et donc à l’arrivée !
Tout a commencé l’année dernière, en Mars 2009. Non … à bien y réfléchir, tout a sans doute commencé en 2006, quand mon pote Raph décide de partir rejoindre sa douce Sandrine sur l’île de la Réunion. Et surtout décide avec Sandrine de s’inscrire à la Diagonale des Fous, ultra trail de 180km et plus de 9500m de dénivelée, qui fait traverser l’île de la Réunion du Sud-Est au Nord-Ouest. Ce sont des fous je pense alors ! Je découvre donc un week-end d’Octobre 2006 le trail en les suivant de loin sur internet. Monsieur se permet de finir dans les 100 premiers pour sa première participation, mademoiselle 14ème chez les filles ! L’année suivante ils remettent ça et cette fois le suivi est encore plus intense car monsieur en remet une couche et termine dans les 50 premiers !
En Mars 2009, Raph est de retour en métropole depuis 1 an, et vient passer quelques mois à la maison. Le voyant souvent partir s’entraîner au petit matin au Veyrier, un jour, une phrase sort de ma bouche « ça me dirait bien d’essayer le trail. Y’a pas une ptite course qu’on pourrait se faire cet été ? ». Sa réponse ne se fit pas attendre: « ça tombe bien, mon beau frère veut faire pareil, on va faire le marathon du Mont Blanc fin Juin! » « Et c’est combien de kilomètres ? » « Bah c’est 42km, un marathon quoi ! » « Euh c’est pas un peu long pour une première ? » « Meuh non ! Et puis c’est à Cham, le parcours est magnifique » « Bon ok on en reparle ». 3 mois plus tard, je découvrais le trail et finissait mon premier trail au bout de 7h21 d’effort, entouré de Raph et JL le beau frère et des doudous qui nous avaient suivi toute la journée. A l’arrivée, malgré l’effort, la fatigue et les courbatures, le sourire était là, la greffe avait pris ! Et JL de lancer « On se fait la CCC l’année prochaine ? » et moi de répondre « ouais clair ! » …
Ce marathon, en plus d’être une initiation au trail pour JL et moi, était aussi une préparation pour Raph pour le Grand Raid des Pyrénées et ses 160km et 10000m de dénivelée. Et c’est le dernier week-end d’Août, le vendredi, que Raph en prend le départ. Pour moi cette journée, dite « de travail », s’est en fait résumée à rester scotcher devant mon écran d’ordinateur et cliquer toute la journée sur le bouton rafraîchir de mon navigateur. Tout ça à cause d’un Raph en furie qui n’a pas quitté les 25 premiers de toute la course. A 2h du mat, j’étais encore devant mon écran à le suivre. A 6h du mat, j’étais réveillé pour répondre au téléphone pour aller voir où il en était et à 8h30 j’appris que monsieur Raph en avait fini en se classant, s’il vous plait, 10ème de cette course ! Au sortir de ce week-end, plusieurs émotions ressortais: la joie d’avoir vécu ça à plus de 600km et surtout l’envie … l’envie de vivre ça en vrai, de l’intérieur. C’est sans doute à ce moment-là que l’envie et la motivation de participer à la CCC est réellement née.
Être inscrit à la CCC est déjà une victoire en soit tellement le nombre de personnes désirant y participer est grand. Cette année les inscriptions ont lieu en décembre, sur une fenêtre de 3 semaines. Il faut d’abord se pré-inscrire et ensuite être tiré au sort. Je me pré-inscris à la CCC dès le premier jour, en compagnie de JL donc, mais aussi de Jérôme, pote pyrénéen. Le taux de pré-inscription est de 110%. Il y aura donc tirage au sort. Quelques jours plus tard, c’est Jérôme qui m’apprend que nous sommes tirés au sort !! Mais il faut encore confirmer l’inscription. Une fois confirmée, il ne s’agira plus de faire le malin … Bizarrement, malgré une énorme envie, je mettrais bien 3 ou 4 jours avant de confirmer … comme une dernière hésitation: « mais dans quoi je m’engage? »
C’est donc fin Janvier que je me donne rendez-vous le Vendredi 27 Août à 10h à Courmayeur …
La CCC c’est 98km, 5600m de dénivelée. Donc autant bien s’entraîner si on veut aller au bout. Car pour moi le but est simple: FINIR ! A la base, je n’aime pas courir … mais il faut quand même arriver bien préparer le jour de la course ! Plusieurs lectures relatent qu’arriver préparer le jour de la course est une chose, mais la chose principale qui ressort (ou plutôt que je retiens) est qu’il faut surtout arriver frais le jour de la course et avec une énorme envie. Car durant la course c’est avant tout le plaisir qui doit prédominer. Effectivement courir n’est pas trop mon truc, mais passer plus de 24h dans la montagne, découvrir des fabuleux paysages, partager des moments forts, qu’ils soient bons ou mauvais, voilà pourquoi je me suis inscris à cette course. Je marche au plaisir. Alors mon entraînement ne sera pas fait d’enchaînement de kilomètres à tout va. Non, mon entraînement sera basé sur le plaisir, le partage. Cet hiver a donc été intensif en terme de ski de randonnée. Plus de 30000m de dénivelée d’avalées, dont un voyage en Turquie avec 3 potes. Je n’ai rechaussé les XT Wings que le 11 Avril. Puis j’ai enchaîné par une petite course dans les Aravis, avec le Trail du Gypaète, en relais, avec Ludo. Le trail suivant fut l’étape 3 de l’Aravis Trail, cette fois avec JL, forts en émotions car il s’est déroulé sous la pluie, le vent et le froid, et au final avec une très grosse fatigue. Le dernier trail de préparation fut le P’tit Tour des Fiz, avec JL et Sandrine, et Raph sur le Grand Tour. A chaque fois ce fut des moments de partage et de découvertes de nombreux paysages et chemins. A discuter avec certains, mon entraînement pour la CCC est un peu juste. Et je fais aussi un pari risqué, car je décide d’arrêter les efforts 3 semaines avant la CCC: plus de vtt, plus de sortie course de plus de 30min. Au moins d’Août, mes footings se comptent sur les doigts … d’une main ! Je suis en plein dans l’inconnu. Mais voilà, le Vendredi 27 Août, à Courmayeur, sur la ligne de départ, je me sens prêt, frais et j’ai surtout une énorme envie d’aller au bout !
L’objectif de ma course est simple, il se résume en 5 lettres: F… I… N… I… R… Après j’ai aussi un idéal de temps. D’abord un idéal psychologique: repartir du ravito de Champex avant la nuit. Et puis surtout un idéal d’émerveillement: faire la montée col des Montets – la Tête aux Vents au petit matin, histoire d’assister au levé de soleil sur le Mont Blanc. Cet idéal mène donc à une course de 22h. ça tombe bien, Ludo a mis 21h42 l’année dernière avec une sortie de Champex à 20h42 et une arrivée à la Tête aux Vents à 5h38. J’ai donc décidé de me calquer sur sa course.
Le jour J tant attendu est enfin arrivé ! Il est 7h au gîte du Tour, dans 3h nous prendrons le départ. Comme à mon habitude, je n’arrive pas à manger grand chose au petit déjeuner, l’estomac est noué. Il y a un petit stress, mais un simple stress, celui de louper le départ. Car oui, je n’attends qu’une chose, partir, me faire ces 98km et me faire plaisir avec Jérôme et JL, même si je sais que ces deux-là me lâcheront sans doute très vite. Mais cette nuit, le téléphone a sonné à 5h30 avec un sms « UTMB CCC TDS. Attention météo prévue pluie vent froid. Prévoyez le matériel nécessaire. Weather conditions planned rain wind cold. Provide the necessary equipment« . Au petit matin, il fait effectivement couvert, mais il ne pleut pas encore. Le bulletin météo annonçait bien cela depuis 2 3 jours, mais cette fois-ci les prévisionnistes ne se sont pas trompés, le ciel n’est pas avec nous … comme si la montagne lançait un message fort au 6000 trailers: qu’elle ne se laisserait pas souiller si facilement!
Le départ
Nous arrivons à Courmayeur vers 9h et il pleuvine. Nous retrouvons par hasard JL dans le parking. C’est déjà une victoire, nous ne galèrerons pas à nous retrouver. J’essaie de contacter Jérémie le collègue, mais impossible. Nous prenons une dernière collation au café de la place, café pour certains, eau gazeuse pour moi. Les visages sont tendus. L’ambiance est humide, et surtout le départ approche. Je ne tiens pas en place, je pars donc sur la ligne de départ accompagné de Jérôme. A cette occasion nous perdons JL. Nous avons aussi perdu de vue Raph, Sandrine et la famille de JL.
Plus nous approchons du départ, plus l’émotion grandit. La musique de Vangelis « Across the mountain » résonne à travers tout Courmayeur. Le départ approche. Doudou laisse échapper des larmes, Jérôme n’en est sans doute pas loin et reste accroché à son téléphone avec sa Doudou. L’émotion est palpable partout, aussi bien parmi les coureurs que parmi les gens tout autour, entassés contre les barrières. Les sms d’encouragement fusent, que ce soient les amis ou les collègues du boulot. Les organisateurs et les personnalités y vont de leurs petits commentaires. Ils nous parlent de pluie, de froid, de courage, d’exploit. L’idée que nous sommes face à un vrai défi s’agrandit. Et toujours cette musique … Puis vient le moment des hymnes suisse, française et italienne. Bizarrement je pensais qu’au moment du départ, l’émotion m’envahirait, que je fondrais en larmes, que les nerfs lâcheraient. L’émotion est bien là, mais pas aussi forte que je l’aurais imaginée. Ou peut être suis-je tout simplement dans ma course à me répéter sans cesse « Tête de la Tronche, Grand col Ferret, la Fouly, Champex, Bovine, Trient, Catogne, Vallorcine, col des Montets, Tête aux vents, la Flégère, … Chamonix! Tête de la Tronche, Grand col Ferret, … ». Il ne reste plus qu’une minute avant le départ. La musique s’est arrêtée. Cette minute me paraît interminable, je ne tiens plus en place, la pluie a redoublé d’intensité. Puis le décompte … 3 … 2 … 1 … C… C… Céééééé!!!! Le départ est donné, la musique de Vangelis à fond à faire péter la sono. Passé la ligne de départ je retrouve ma Doudou et lui donne un dernier baiser: la prochaine fois que je la reverrai sera à la Fouly, 40km plus loin.
Courmayeur – la Fouly, que du bonheur
Les premiers mètres se font dans les ruelles de Courmayeur. Malgré la pluie, les personnes venues nous encourager sont nombreuses. Comme par magie Jérôme et moi retrouvons JL. C’est donc à 3 que nous partons vers ce voyage. Malheureusement, même si je le savais pertinemment, je perds JL et Jérôme au bout de 3 ou 4 km, la faute à une surchauffe sous le coupe-vent mais aussi une vessie saturée … C’est donc seul que je m’apprête à vivre ces premiers 40km.
Le début de course est assez pénible. Il pleut mais surtout nous courons sur du bitume. A cet instant je ne le sais pas encore mais cette pluie va avoir un énorme impact sur la suite de ma course. Mes pieds sont humides, ils bougent à l’intérieur de ma chaussure … des ampoules se forment ! Encore des sms d’encouragement « Courage mon petit. Allez c’est que le début, gère bien, courage ». Et au bout de 6km, les premiers chemins apparaissent enfin ! Une file indienne de trailers s’engagent dans la forêt. Mes pieds ne me font plus souffrir, inutile de m’arrêter pour tenter de soigner quoique ce soit. Je suis donc le rythme des trailers devant moi. Il reste encore 90km, je suis bien, inutile d’accélérer. Après une bref interruption, la pluie refait son apparition. Quelques kilomètres après la sortie de la forêt, nous arrivons en amont d’une bosse. Pendant que des trailers partent à droite et descendent, d’autres partent à gauche et montent: nous arrivons au refuge Bertone et à sa fameuse petite boucle. Je passe le point de passage de Bertone après 1h55’15 » de course, soit exactement 15 » de retard sur mon planning ! Tout va pour le mieux donc, je tiens le bon rythme et m’arrête à Bertone à peine 20s, juste le temps de prends un verre d’eau gazeuse … Là aussi je ne le sais pas encore, mais je suis sans doute en train de réaliser la 2ème erreur de ma course en ne prenant pas du coca cola et sa fameuse caféine …
A la sortie de Bertone, la pente augmente d’un coup ! A peine sorti du ravito, je m’arrête de nouveau pour prendre une photo. Le rythme est un peu cassé, je peine à reprendre un bon rythme. Je me fais doubler plusieurs fois, mais ceci ne me fait strictement rien. Je suis sûr de moi, sûr d’avoir adopter le bon rythme qui devra m’emmener au bout. La montée vers la Tête de la Tronche est d’abord raide, puis s’aplanit pour nous emmener vers la Tête Bernarda. La pluie s’est arrêtée, des coins de ciel bleu commencent à pointer le bout de leur nez. Le cadre est magnifique. J’alterne course et prises de photos. La CCC ce n’est pas seulement courir, c’est aussi profiter du paysage. Une fois passé sous la Tête Bernarda, un dernier coup de cul nous amène à la Tête de la Tronche. Je passe le point de contrôle après 2h58’51s de course, alors que j’avais espéré y être en 3h. Le sourire est donc là. Avant d’entamer la descente les bâtons sur le sac, je me permets une petite pause salée. J’envoie un sms à ma Doudou pour la prévenir « Je passe la Tronche, que du bonheur, je gère ». Dans cette descente tout va bien, je cours sans aucun problème, dépasse des trailers qui m’avaient passés à la montée. Ce n’est effectivement que du bonheur, car en plus le beau temps est de retour.
Après une belle descente, un petit coup de cul permet d’arriver au ravito du refuge Bonatti. J’arrive au refuge après 3h51’06 » de course, soit 55″ d’avance sur mon planning. Pour la première fois depuis que je fais du trail, je me retrouve exactement dans les temps de mon planning. 22km de course, les sensations sont là, aucune douleur à l’horizon, même gastrique. Je ne dois pas traîner à ce ravito. Une soupe m’aurait bien tenté, mais il y a trop de monde. J’en prendrai une au ravito d’Arnuva. Même si le besoin n’était pas réel, je prends quand même le temps de refaire le niveau d’eau afin de ne pas faire une Sandrine et une Raph au Tour des Fiz, à savoir se retrouver à cours d’eau. Après le refuge Bonatti, le chemin est en balcon, en faux plat montant. Je profite encore et toujours des paysages, même si ce chemin me paraît bien long. Au changement de flanc de montagne, je découvre enfin tout en bas Arnuva et son ravito. La descente s’accentue enfin et j’arrive très rapidement au ravito.
J’arrive à Arnuva après 4h43’26 » de course, soit 14’28 » d’avance sur mon planning. Il est presque 15h et je n’ai pas encore manger quelque chose de consistant. Je prends donc le temps de faire la queue et de prendre une soupe, de la charcuterie italienne (mais malheureusement pas du tout coupée à l’italienne avec ses 2mm d’épaisseur …) et des bouts de banane. Je ne dois pas traîner, histoire de garder le rythme. J’avale donc ma soupe fi-ça et termine ma banane alors que j’ai déjà entamé la montée vers le Grand Col Ferret.
Sur le papier, cette montée vers le Grand Col Ferret me fait peur. Peur parce que c’est la 2ème montée, peur parce qu’il y a déjà 5h de course dans les pattes, peur parce que là-haut j’en serai au 30ème km, peur d’avoir une baisse de régime. Le fait de penser à ça me fait sans doute avoir cette baisse de régime tant redoutée. Mais il est aussi vrai que je me mets à tergiverser au pied de la montée. Après une pause de 3min au ravito, je m’arrête 500m plus loin pour mettre le coupe vent sentant très bien que le vent souffle de plus en plus. Mais 500m plus loin, alors en pleine montée raide, je m’arrête de nouveau pour enlever le coupe-vent. Le rythme est cassé, la machine a énormément de mal à repartir. Et puis le « repas » pris à Arnuva a du mal à se faire assimiler. Je rejoins donc le refuge Elena à un rythme de sénateur, le temps que tout se remette en place. Au refuge je prends encore le temps de prendre des photos. Je ne suis vraiment pas en mode « compétition », à lutter contre un chrono. Encore et toujours, je prends mon temps, je profite du paysage. Après le refuge Elena le chemin part en lacet plutôt raide, puis la pente s’aplanit pour nous mener au sommet. Passé une bosse au dessus du refuge Elena, le col se devine tout là-haut au loin. Que ça me paraît long ! Là les jambes ne répondent plus très bien et sont aux abonnées absentes. Les micros pauses se multiplient beaucoup trop, je dois baisser le rythme. Puis tout d’un coup, le col apparaît. Il est juste là après une traversée de 300m. Je m’arrête pour prendre une photo, et à cet instant-là, et je l’apprendrai bien plus tard, Jérémie me double. Dommage ! Il aurait été sympa de faire la descente ensemble. Sauf que malheureusement, il me faut absolument faire une pause au col.
J’arrive au Grand Col Ferret après 6h12’16 » de course, soit 11’19 » d’avance sur le planning. Cette fois-ci il n’y a aucun doute, mon planning était le bon, même si la machine n’est pas au mieux. Je m’arrête donc bien 3min afin de m’alimenter correctement. Le Grand Col Ferret marque l’entrée en Suisse, partie de la CCC qui pour moi devrait être la plus fastidieuse car marquée par une descente de plus de 20km vers Champex. Pour la descente, une fois de plus je décide de mettre les bâtons sur le sac, pensant que la descente serait raide. En fait il n’en est rien, la descente n’est pas du tout raide, je mets beaucoup trop de temps à me décider à ressortir les bâtons. Mais quelque part le mal est fait, les cuisses commencent à tirer. Même si je savais que cette descente serait longue, elle est pour moi psychologiquement vraiment longue. J’ai l’impression de ne pas en voir le bout. Surtout, je la trouve vraiment plate. Mais enfin arrivé à la Peule, la pente s’accentue un peu. Par miracle je retrouve des jambes en même temps que des sensations. Un rapide coup d’oeil à la montre montre que je suis parfaitement dans mes temps. Le goudron refait son apparition. Heureusement une petite bande de gravier longe ce bitume. Bizarrement, les jambes sont belles et bien là, et je relance continuellement sur cette route, et ce malgré sa faible pente. Un terrain que d’habitude je n’affectionne pas du tout et qui pour une fois me va !
la Fouly – Champex, le ressort se casse
Peu avant la Fouly, je retrouve du réseau et vois que ma Doudou commence à s’inquiéter « où es-tu? » « j’arrive! ». Car oui effectivement le ravito de la Fouly n’est plus très loin. Le ravito est à l’autre bout du village, alors une fois entré dans la Fouly, quelques hectomètres sont encore nécessaires pour le rejoindre. Je me fais d’abord accueillir par mon papa, venu vers moi, puis par ma maman. Ma Doudou est aussi là avec Raph. A ce moment-là, le bonheur est vraiment énorme. 41km de course, les parents, les amis. Ou en résumé tout ce que j’étais venu chercher en participant à cette course.
Je pointe à la Fouly après 7h42’24 » de course, soit 4’9″ d’avance sur le planning. Même si j’ai « perdu » un peu de temps, tout va bien car je suis vraiment très bien. Il y a beaucoup de monde à ce ravito. Plus de 100 trailers confinés dans à peine plus de 80m². Il faut faire la queue pour avoir droit à une soupe. Décidé à ne pas traîner, je prends une simple soupe et décide de recharger ma réserve alimentaire pour manger en cours de route. Je recharge aussi la poche à eau et sort du ravito au bout de 9min (soit 4min de trop), une soupe à la main. Je la termine en discutant avec mes parents, Raph et Céline. J’en profite pour prendre des nouvelles de JL et Jérôme. Ils sont passés avec 1h30 d’avance sur moi (tiens! je ne suis pas si loin d’eux au final), mais auraient un coup de moins bien dans la montée vers Champex. Heureusement ils ne sont pas seuls, Sandrine est avec eux.
Je repars dans la descente en compagnie de Raph (chuuut c’est parait-il interdit, mais on s’en fout!). C’est aussi à ce moment-là que la pluie refait son apparition. En plus de cela, cette descente me paraît vraiment plate. D’abord sur un chemin, la descente laisse vite la place à du bitume peu avant le Praz-de-Fort. Je ne m’attendais pas à voir autant de bitume … et pour cause le tracé ne passe pas du tout sur celui défini et a été modifié suite aux conditions météo, dommage! Ce bitume sonne un peu comme le glas pour moi. Les jambes sont coupées et surtout les ampoules me rappellent leur présence. Sur le coup je ne m’en aperçois pas, mais en fait mes ampoules modifient ma démarche (afin d’atténuer la douleur). Du coup je fais travailler mes cuisses d’une manière inhabituelle … les courbatures font leur apparition, mais sur le coup je pense qu’elles sont dues à la fatigue et aux kilomètres parcourus. Raph est là pour m’encourager et me demande de trottiner. Mais non, il n’y a pas moyen. Et puis je suis dans mes temps, je n’ai pas à me presser, il me reste encore plus de 50km, alors pourquoi forcer ? Ce qu’il y a de bien quand on court avec un pote, c’est qu’il nous encourage. Nous discutons, ce qui fait passer le temps. Par contre courir avec un pote qui ne fait pas la course, peut avoir ces inconvénients. Comme à chaque fois que nous croisons un bar, où il sort « je me boirais bien une bière » ou lorsque des odeurs de soupe remontent « huum ça sent bon la soupe ». Ouais ouais, moi aussi je me boirais bien une bière … mais pas là …
Puis enfin nous arrivons au village d’Issert, fin de la descente et début de la montée vers Champex. Je décide de prendre un demi coup de fouet pour cette montée, petite, mais à priori casse pattes ! D’après ma montre je suis dans les temps et je me cale à 500m/h. L’effet du coup de fouet se fait sentir, je retrouve des jambes et un petit sourire. Sourire sans doute dû au cadre et au chemin dans la forêt qui porte le nom de Forêt aux Champignons. Le chemin est bordé de différentes sculptures en bois: chamois et autres champignons de toute sorte.
Nous arrivons sous la pluie au ravito de Champex à 20h15 après 10h16’21 » de course, soit avec 5’20 » de retard sur le planning. Se retrouver après 55km et plus de 10h de course avec seulement 5′ de retard, autant dire aucun retard, me regonfle le moral. Dans mon idée, le ravito de Champex était LE ravito. Un ravito 4 étoiles avec tout ce qu’il faut pour bien s’alimenter, s’abreuver et se reposer. En fait il n’en est rien ! Le ravito de Champex est sous une tente où trailers et public s’entassent. Il me faudra 20min pour avoir droit à une soupe et un petit plat de pâtes. En effet, malgré 150, voire 200 trailers, il n’y qu’un bénévole pour la soupe, un bénévole pour les pâtes … Une fois mon plat de pâtes entre les mains, je rejoins ma Doudou, Sandrine et Raph. Tout de suite ma Doudou s’affaire autour moi. Tout en tentant de manger mes pâtes, je me retrouve ni une ni deux torse nu afin de mettre des vêtements secs, puis pieds nus pour avoir une réparation des pieds (ampoules …), puis bientôt des mains sur mes cuisses pour un massage. Alors qu’au même moment, Raph se remplit devant moi de frites et de saucisses suisses « trop bonnes! » et de bière « c’est une bière du coin, elle passe vraiment bien ». Et moi je suis avec ma petite soupe et mes pauvres pâtes toutes molles … Sympa les potes ! Je n’ai pas une grosse faim. La fatigue se fait sentir. Car oui la machine est un peu usée. Alors que je suis dans mes pensées, essayant bon an mal an de reprendre des forces, tout d’un coup Sandrine nous réveille tous « Allez hop hop! Faut pas traîner! Raph va lui remplir sa gourde. François il est prêt ton sac ?! ». Ni une ni deux je me retrouve debout tout habillé, prêt à repartir. Et Raph de me dire « tu mets pas ton collant ? T’es sûr ? » « Non c’est bon, tout va ». Mais ai-je besoin de ma frontale ? Malheureusement oui car j’ai passé beaucoup trop de temps dans ce ravito. Je ne dois plus trainer, un dernier bisou et me voilà reparti après un arrêt de 41min … là où je devais rester 20min …
Champex – Trient, la galère
Champex est au km 55. Jamais auparavant je n’avais fait plus de 52km. Comme me l’a souvent répété Ludo, « la course commence à Champex ». Le physique a fait son boulot en m’emmenant à Champex, maintenant le moral va devoir petit à petit prendre le relais pour m’emmener au col des Montets. Car oui, après Champex, c’est le grand saut vers l’inconnu. Cela va être la première fois que je vais courir plus de 55km, la première fois que je vais courir après plus de 10h de course, première fois que je vais courir à ces heures tardives, l’une des premières fois que je vais courir de nuit. Bref, un voyage vers l’inconnu commence à Champex.
A la sortie du ravito de Champex, le contraste est saisissant, le saut dans l’inconnu est total ! Je passe d’un environnement chaleureux avec les amis à un environnement froid, humide, sombre et surtout … seul ! Tout ce que je redoutais est là: il fait nuit ! Il pleut de plus belle. Où va le parcours ? J’ai l’impression de ne pas voir grand chose, je ne vois aucun jalon. Seuls la lueur des frontales des trailers au loin devant moi permettent de m’indiquer le chemin. Surtout je tremble de partout, je suis transi de froid. Pourquoi n’ai-je pas écouté Raph ? Je me sens comme abandonné. Peut être est-il préférable de faire demi tour, de revenir au chaud ? Le doute s’installe pendant 2 ou 3min, le temps de relancer la machine et de réchauffer le corps. Mes yeux se sont habitués à l’obscurité. Devant moi 2 trailers semblent perdus « il est où le chemin ? ». Ils s’engagent sur un chemin, mais au loin je vois un fanion « eh les gars, c’est pas ce chemin! » Là les derniers mots de Raph à Champex résonne dans ma tête « vigilance! vigilance! ».
La suite du parcours est un faux plat le long du lac de Champex, puis une petite descente avant la montée vers Bovine. Le faux plat a beau être court, il me paraît interminable. La nuit est totalement noire. Il pleut. Les jambes ont l’air bien, mais le moral n’est pas au mieux. Dans mon idéal de course, je devais sortir de Champex le jour et assister au coucher de soleil. Il n’est en rien … Je ne vivrais pas ce que j’étais venu chercher. La montée vers Bovine commence enfin. « Une fois au ruisseau, ça sent bon le sommet ». Oui mais voilà, il pleut énormément et le moindre ruisselet s’est transformé en torrent; impossible de me situer par rapport au sommet. Le moral n’est vraiment pas au mieux. Un sms arrive à point nommé « Yep béru t’assures grave. T’as ton stylo effaroucheur si tu croises le loup? allez on pense à toi go go ». Je repars … mais pas pour longtemps. D’un coup quelque chose à quoi je ne m’attendais vraiment pas survient: le sommeil ! Là au milieu de la montagne, sous la pluie, je suis pris d’une envie irrésistible de dormir ! Plus rien ne répond, le moral est au plus bas. Etrangement au même moment je reçois un sms de Céline « on est à Trient, on a trouvé un champ pour planter la tente ». Le coup est rude … Je n’ai même plus la force, l’envie de m’alimenter. Il n’y a plus aucun plaisir, mais juste une seule envie: tout laisser tomber. Céline m’appelle « T’en es où ? » « Je sais pas, je monte ! » « Qu’est-ce qu’il y a ? ça ne va pas ? » « Bah non ça va pas, j’en peux plus, je veux dormir! » Et là chose un peu surréaliste, ma Doudou trouve du répondant « Eh oh ! tu fais pas l’enfant !!! Tu montes à Bovine, tu prends une soupe, tu te mets au chaud 5min et tu redescends! ». Fin de la discussion … Je voudrais l’y voir à ma place … Mais d’un coup je vois les lumières des tentes à Bovine. Après tout, ma Doudou n’a pas tord … Il faut que je me bouge. Le sommet n’est pas loin … le moral revient … un peu …
J’arrive à Bovine à 23h32, après 13h41’39 » de course, soit 45′ de retard sur mon planning. Mais là il n’est plus question de chrono, d’avance ou de retard sur un planning de course. A Bovine, il faut absolument que je me réchauffe. Il y a des soupes, mais 4-5 personnes font la queue. Si je fais la queue, c’est mort, je prendrai obligatoirement froid. Je décide donc de rentrer sous la tente, quitte à rester 5min et casser les jambes, plutôt que de prendre froid. Sous la tente, plusieurs personnes ne sont pas au mieux. Des personnes sont allongées et se font soigner. Des personnes se font mettre leur couverture de survie sous les vêtements, à même la peau, pour être au sec et au chaud. Une personne à côté de moi tremble de toute part. Un secouriste lui demande plusieurs fois s’il ne veut pas une aide, l’invite à mettre des vêtements chauds ou bien alors à repartir de suite. Les secouristes ont les traits tendus mais sont des plus chaleureux. On entend le vent souffler dehors, la pluie claquer sur les murs de la tente. Je m’aperçois alors que je n’ai seulement qu’un T-Shirt sous mon coupe vent … Il me reste encore une polaire dans mon sac ! Je demande à un secouriste s’il peut m’attraper une soupe, chose qu’il fait très gentillement. Je me réchauffe peu à peu … Mais mon corps commence alors à réagir et je me mets à trembler de toute part comme mon voisin ! Je ne dois pas trainer et repars de suite pour la descente.
En fait une fois à Bovine, il reste encore 50m de dénivelée pour monter à Portalo et basculer dans la descente. Cette montée de 50m me paraît interminable avec toute cette pluie et surtout … cette boue ! Et puis j’entends comme un claquement de volets contre un mur: bing ! bing ! Je ne savais pas qu’il y avait un châlet ici ! Et puis tout d’un coup, j’aperçois le portillon qui marque le sommet de Portalo, chose qui me regonfle le moral. Je peux enfin attaquer la descente vers Trient ! La descente est d’abord légèrement pentue, idéale pour me relancer. Mais très vite, la pente s’atténue. La descente est une fois de plus interminable. Je n’en vois pas le bout. Il pleut, il y a de la boue de partout. Avant d’arriver à Trient, il faut d’abord passer au col de la Forclaz. Mais je ne vois pas arriver ce col ! Des lumières arrivent. Ce sont des voitures d’une route proche. Il serait si simple de monter dans une voiture, d’arrêter cette course qui s’est transformée en galère. Tout ce que j’étais venus chercher n’est pas là. Il pleut. Je ne verrai pas de lever le soleil sur le Mont Blanc. Il n’y a plus aucun plaisir. Alors où est l’intérêt de continuer ? Arrivé au col de la Forclaz, une petite dizaine de personnes est là pour nous applaudir. Mais personne n’est là pour sécuriser la route … à part un feu clignotant. Je ne sais même pas si j’ai réellement bien regardé si je pouvais traverser la route, si aucune voiture n’arrivait. Je descends tel un zombi vers Trient … tout simplement décidé à arrêter les frais et abandonner. A l’Aravis Trail, cette idée m’avait traversé l’esprit. Mais cette fois ce n’est pas une idée en l’air, c’est un fait; à Trient je rends mon dossard et file me coucher sous une couverture bien chaude.
Trient – Vallorcine, vers des limites insoupçonnées
J’arrive à Trient à 1h30, après 15h30’05 » de course. Je sors du calme d’une forêt pour arriver d’un coup dans un monde plus citadin. Là deux cars sont garés sur le côté et se remplit peu à peu de trailers qui ont fait comme je m’apprête à faire: abandonner. J’arrive enfin au ravitaillement, et croise Raph juste avant d’entrée au chaud « Hey ! Enfin tu arrives, ça va ? » « Non ça va pas, j’arrête tout! » « Hein? » « J’abandonne! » « Nan nan nan y’a pas moyen! » « Si si si, c’est non négociable » « Bon va prendre une soupe et on en reparle ». J’entre dans la tente et croise ma Doudou. « ça va ? » « Non ça va pas j’arrête ! Là je ne veux qu’une chose, c’est dormir! ». Je n’en peux plus, je suis au bout du rouleau. Céline s’affaire autour de moi, me mets une fois de plus torse nu en un rien de temps et m’habille de vêtements secs. Je m’affale alors sur un banc et pose ma tête dans mes bras sur la table. Raph arrive « Bon aller tu reprends des forces et tu repars » « Non! ». Puis Sandrine arrive, pas du tout au courant du fait « Mais qu’est-ce que tu nous fais là ?! Hop hop hop, tu traînes pas, tu repars ! ». A ce moment, je n’ai qu’une envie, une envie de les envoyer balader ! Mais il me reste quand même assez de lucidité pour rester diplomate et leur demander de juste me laisser 20min … 20min pour dormir ! Je ne mettrais pas à profit ces 20min pour dormir … Ma tête est en ébullition: arrêter ? repartir ? Mon corps ne me demande qu’une chose, c’est d’arrêter et de dormir. Mais avec ces trois zigotos, je sais pertinemment que je devrais repartir, que c’est non négociable … Mais repartir pour quoi ? Tout simplement pour ne pas les décevoir. Il est presque 2h du matin et ils sont encore là. Et puis mon amour propre me demande de repartir. Je sais très bien que si je ne repars pas, je le regretterai pour longtemps. Au bout d’un certain temps, je relève la tête. « Bon ok je repars! ». Ils s’affairent alors tout autour de moi. « Tu veux quoi ? T’as besoin de quoi ? ». Cette fois, je me retrouve en caleçon, à me faire mettre mon collant de ski de fond ! Je n’arrive pas à avaler quoi que ce soit, rien ne passe. J’ai fait une overdose de soupe. Seul le coca passe … mais difficilement. J’ai à peine la force de croquer dans un bout de chocolat.
Après 45min à Trient, à 2h15 du matin, je repars dans la nuit, le froid, la pluie; le moral regonflé ! Je ne pensais pas que je repartirai en aussi bonne forme … toute proportion gardée. Je me retrouve avec 2-3 personnes 200m devant moi et un petit groupe de 10 trailers 500m derrière. Etonnemment, je suis dans leur rythme. Je ne me fais pas rattraper, ni distancer. Je sais que cet état de forme ne va pas durer, alors je ne m’enflamme pas. L’envie et surtout la motivation de manger revient. Je mange un peu, puis plus loin un peu plus. Mais après 300m de montée, l’envie tant crainte refait surface: l’envie de dormir ! La fatigue refait son apparition, je perds le rythme et me sens obligé de m’arrêter tous les 400-500m … Puis Céline m’appelle « Comment ça va ? On est à Vallorcine, ils ont décidé d’arrêter la course ! L’UTMB a été arrêté après 3h de course ». J’apprends cette nouvelle avec un certain réconfort: je pourrai enfin m’arrêter à Vallorcine ! Puis peu à un peu, la déception arrive. Je ne verrai pas Chamonix, je ne vivrai pas cette arrivée tant rêvée. Pourquoi continuer alors ? La motivation est revenue au plus bas ! Mais je n’ai de toute façon pas le choix, il faut bien continuer … le seul moyen d’arriver à Vallorcine est de monter à Catogne et de redescendre à Vallorcine. Une fois de plus, cette montée vers Catogne me paraît interminable. A la sortie de la forêt, je crois distinguer les lumières d’une tente marquant le sommet. Mais après 5min, je ne vois toujours pas cette tente arrivée. Simple hallucination ou tout simplement des frontales d’autres trailers ? Quoiqu’il en soit, une fois de plus je prends un coup derrière la tête. J’arrive enfin aux Tseppes. Mais malheureusement j’avais très mal repéré le parcours et donc mal évalué la distance menant à Catogne. Quelques kilomètres sont encore nécessaire pour arriver au sommet.
J’arrive enfin à Catogne à 4h15, après 18h14’19 » de course. Le point de passage n’est pas marqué par une tente, mais par 3 bouts de taule afin de former 2 murs et un toit. Je m’abrite un peu de la pluie et regarde mon téléphone qui a sonné quelques minutes auparavant. Et oui j’apprends alors que je suis tonton pour la 2ème fois !!!! Ce petit message me regonfle le moral et me donne l’énergie qu’il me fallait pour repartir. Un bonheur n’arrivant jamais seul le début de la descente est pentu et me convient donc parfaitement. A certains endroits, on se croirait à Interville, tellement il y a de la boue. Comme le dira plus tard Ludo « il ne manquait plus que la vachette! ». Certains passages sont même limite dangereux: le précipice n’est pas loin. Mon téléphone sonne, c’est ma Doudou « Comment ça va ? » « ça va mieux, je suis dans la descente et tu es de nouveau tata! ». J’apprends aussi que JL et Jérôme ne vont pas tarder d’arriver à Chamonix. Bravo les gars, vous l’avez fait ! Quant à moi il me reste cette descente à finir. Plus bas j’entre-aperçois les arbres de la forêt. Vivement cette forêt, que je sois un peu plus abrité de la pluie. Mais malheureusement l’entrée dans la forêt n’est pas si idéal que ça. En même temps que j’entre dans la forêt, la pente se radoucit. Le chemin alterne maintenant faux plat descendant et … faux plat montant ! Alors que je pensais vite arriver, cette descente est une fois de plus interminable ! Gros coup derrière la casquette … et forcément avec cette baisse de moral, l’envie de dormir refait surface. L’envie de sommeil est insoutenable. Je commence à m’arrêter de plus en plus pour m’appuyer sur mes bâtons et fermer les yeux. A un moment je suis à deux doigts de perdre l’équilibre … Il faut que je continue … mais l’envie de dormir est omniprésente … Je trouve un petit coin entre deux arbres, idéal pour m’assoupir … comme s’il m’appelait. Je ne résiste pas et m’assois pour tenter de dormir: il y aura forcément un trailer pour me réveiller. En 30 secondes deux trailers passent et chacun à me demander « ça va? pas de soucis? » « oui oui pas de soucis, juste envie de dormir ». Puis pendant 3, 4 ou même 5 minutes, plus rien … Jusqu’à ce que j’entende un « ça va? pas de soucis? » Aller ! Il faut repartir ! Malgré ce petit intermède, la descente est toujours aussi lassante: mais elle est où cette partie raide qu’on avait emprunté l’année dernière pour le Marathon du Mont Blanc ?! Après je ne sais combien de temps je la vois enfin ! Les jambes sont là pour descendre cette partie à vive allure, l’arrivée n’est pas loin !
J’arrive à Vallorcine à 6h12 du matin, après 20h11’26 » de course. Une bénévole me dit que la course est arrêtée, qu’elle est désolée. « Pourquoi êtes-vous désolée ? » « Parce que des personnes ne sont pas contentes … ». Et je retrouve ma Doudou. Voilà la course s’arrête là … Je n’en pouvais plus. Les trails de cette dimension ne sont vraiment pas fait pour moi. J’ai comme l’envie d’arrêter tout ça. Puis après un moment de soulagement, de joie d’arriver, très vite la déception revient. Je ne verrai pas Chamonix comme je l’aurais espéré. JL et Jérôme viennent d’arriver. Ils l’ont fait ! Moi je ne suis arrivé qu’à Vallorcine, il me manquera toujours ces 18km. Alors l’envie revient déjà … Effectivement ces trails ne sont pas faits pour moi … pour l’instant ! Je commence déjà à me projeter à l’année prochaine et sur des trails à découvrir: l’Annécîme, la Moyen’hard. Car une fois installé dans la voiture pour me ramener à Chamonix, l’amertume est là, avec la sensation de ne pas être allé au bout !
Je retrouve Jérôme, Raph et Sandrine à Chamonix au Palais des Sports. JL est parti se coucher. Jérôme a les traits marqués. A la Tête aux Vents, c’était l’apocalypse avec le vent, le froid et un brouillard à couper au couteau. Dans la grande salle, des centaines de trailers sont allongés sur des lits de fortune. L’UTMB a été arrêté au bout de 3h, la TDS purement annulée ! Alors que nous partons en ville, nous apprenons que l’UTMB va repartir de Courmayeur pour une mini CCC. Vers 9h Ludo m’appelle pour prendre des nouvelles. Il est aussi énormément frustré par l’arrêt de l’UTMB car il avait la caisse. Je lui demande alors pourquoi il n’est pas encore sur Chamonix: il n’était pas au courant qu’il y avait un 2ème départ ! Finalement il prendra le départ et finira dans les 200 !
Pour finir, nous aurons quand même tous droit à une vraie récompense: celle d’avoir participé, d’être aller au bout, au bout de la course pour certains, au bout de soi pour d’autres. Celle aussi d’avoir vécu et partagé des moments forts.
Col du Chardonnet, les 3 cols
sortie collective entre amis dans cet endroit aussi magnifique que parcouru. ça a encore bouchonné sévère au col du Chardonnet (on y est juste resté 1h …) et la tranchée qui traverse sa descente est assez impressionnante … Les conditions étaient vraiment pas mal, surtout sur la descente du glacier du Tour. Encore une bonne sortie sur Cham !